Né à Québec en 1931, dans la communauté anglo-irlandaise, Edmund Alleyn étudie à l’école des beaux-arts de Québec, auprès de Jean-Paul Lemieux et Jean Dallaire. En 1955, il remporte le Grand Prix au concours artistique de la Province de Québec et une bourse de la Société Royale.
En 1958, il fait partie de la délégation canadienne (avec Paul-Émile Borduas, Harold Town, Jean-Paul Riopelle et Léon Bellefleur) à la Guggenheim International Award . En 1959, il remporte la médaille de bronze à la Biennale de Sao Paulo. En 1960, il est sélectionné pour représenter le Canada à la Biennale de Venise.
Edmund Alleyn séjourne en France de 1955 à 1970. Durant toute cette période, son travail évolue grandement. La peinture non figurative cède la place à la figuration. D’abord inspiré par l’art des Indiens de la côte ouest, le peintre oblique vers une imagerie issue de l’univers de la technologie, de l’électronique. Cette démarche culmine avec la réalisation d’une sculpture-habitacle audiovisuelle, L’Introscaphe , qui est installé pendant un mois au Musée d’Art Moderne de la ville de Paris.
De retour au Québec, il est frappé par le changement que les années ont opéré sur son pays et le devenir socio-politique du territoire entre dans ses préoccupations artistiques. Il se consacre de nouveau à la peinture, notamment à la série des personnages peints sur plexiglas et placés debout devant de grands tableaux représentant des paysages. Cette série, qui s’intitule Une belle fin de journée, est exposée au Musée du Québec, puis au Musée d’Art Contemporain de Montréal en 1974. Parallèlement, il obtient un poste de professeur au département d’arts visuels de l’Université d’Ottawa, où il enseignera durant plus de 15 ans.
Il expose régulièrement dans les Musées et les galeries, tant au Québec,qu’en Ontario, et à New York, mais laisse derrière lui l’Europe, avec laquelle il a rompu tous ses liens. En 1990, fraîchement retraité de l’Université, il revient en force avec la Série Indigo , qu’il expose à la Galerie d’art Lavalin, ainsi qu’au 49ème parallèle à New York.
En 1997, il expose au Musée national des beaux-arts du Québec et en 1996, il présente au Musée d’Art de Joliette sa rétrospective Les Horizons d’attentes 1955-1995. Au Musée de Sherbrooke en 2004, est montrée son ultime série, les Éphémérides, qui comprend 12 grands formats sur toiles, ainsi que des lavis. En 2016, le Musée d’art contemporain de Montréal présente la première rétrospective d’envergure depuis sa mort, en 2004, accompagnée d’un catalogue substantiel.
« Edmund Alleyn occupe une place singulière sur le devant de la scène des arts visuels au Québec. Il a eu, entre autres audaces, celle d’adopter une expression polymorphe à une époque où la continuité stylistique n’avait jamais été autant valorisée, ou celle encore de prendre des accents métaphysiques au moment où le formalisme triomphant bannissait toute allusion de cet ordre. Les premières œuvres d’Edmund Alleyn, au milieu des années 50 signalent un artiste qui prend place avec brio sur une scène – dont il maîtrise rapidement et parfaitement tous les codes –mais qui se refuse à ne devenir qu’un simple acteur sur cette scène. Indocile, il va vite ne plus s’intéresser qu’au dialogue que cette scène lui permet d’entretenir avec son époque, avec sa pratique et plus généralement, avec ses contemporains . »
Il est presque impossible de ramener à un style la peinture d’Edmund Alleyn. Artiste polyvalent et en constante mutation, Alleyn produit une série de corpus, sans hésiter à changer de médium. Inscrits dans leur époque, et constituant chaque fois l’aboutissement d’une recherche, ces « tâtonnements » témoignent de sa versatilité.
À ses débuts, dans les années 50, Alleyn peint des œuvres abstraites sous l’influence de Borduas et Riopelle, ses aînés. Sitôt maîtrisée, la forme change et des défis formels plus personnels apparaissent. La période dite « indienne » qui vient alors incorpore à l’abstraction des symboles issus de la culture amérindienne. La palette de couleurs vives, incluant le rose et le orange, confirme la force coloristique d’Alleyn.
La période dite « technologique» , où l’homme et la machine ne font qu’un, témoigne de l’intérêt de l’artiste pour l’évolution de l’homme, dans une société de plus en plus automatisée. L’œuvre phare des années 70 est sans contredit l’Introscaphe , une sculpture-habitacle propose l’immersion du spectateur. 4 minutes de sensations fortes et de bombardement d’images, dans un vaisseau de forme ovarienne entièrement conçu et réalisé par l’artiste.
La recherche de racines se poursuit avec l’Exposition Une belle fin de journée , qui marque son retour en Amérique. Alleyn y dépeint les Québécois, grandeur nature, sur plexiglas, dans un style hyper-réaliste.
La série Indigo , inspirée par une maison acquise au bord d’un lac, nous invite à découvrir un monde plus personnel de l’artiste. Les sentiments de nostalgie, de mémoire, de bonheur perdu apparaissent dans ces toiles qui traduisent l’état mental du peintre revenu à la figuration.
La dernière période de travail, Les Éphémérides – grands formats représentant un chaos d’objets en suspension sur fond noir -, semble reprendre une exploration des années 60, la cohabitation abstraction / figuration. Mais la vision s’est assombrie et le noir et blanc a supplanté la couleur foisonnante de la jeunesse.
Devant l’œuvre achevée, on peut aujourd’hui établir des ponts entre les époques et apercevoir les thèmes récurrents d’une œuvre certes éclectique, mais dont l’analyse approfondie fait rejaillir la cohérence.
Notons pour le plaisir, la récurrence des motifs suivants :
L’eau , sous toutes ses formes, L’évolution de l’Homme (Des origines de l’humanité, au singe et à l’homme, et de Freud au surréalisme).
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Les années 50
« Des tableaux non pas abstraits, mais non-figuratifs. Des tableaux qui charriaient quand même des images, de la lointaine Gaspésie.. Qui étaient survenus peut-être à cause de ce sentiment d’isolement, de manquer de repère en arrivant à Paris. Des formes qui étaient dérivées des bois de grève blanchis par la mer qu’on peut voir sur les ports de Gaspésie. Des espèces de poutrelles tout ça faisait des tableaux d’une construction assez violente, une peinture plutôt instinctive. »
1955-1960
« Je crois que les tableaux typiques de cette époque-là pouvaient montrer une genre de grande masse sombre suspendue dans l’espace. Peinte avec des couches successives de peinture. Donc chaque couche laissait quand même entrevoir une couche qui était en-dessous. On avait l’impression qu’il y avait une superposition d’états dans le tableau. D’états temporels. C’était une peinture assez sombre, et ça a duré jusqu’en 1960. »
1962-1964
« C’est vers 63 que je commence à m’entendre un petit peu mieux avec la couleur. À ce moment-là était apparu dans mes tableaux des graphismes, des formes un peu sémantiques : des cercles, des croix, des rectangles. Il y avait un univers en formulation que j’interrogeais. Au début de 64, une amie m’a montré des reproductions des indiens de la côte ouest : les Aidas, les Tinguely, etc. Les formes que j’utilisais étaient très près des formes utilisées par les indiens. Ça a donc été une découverte très importante pour moi .J’ai fait les ajustements nécessaires, et je suis parti dans un trip de peinture indienne. Voici que se présentait une chance d’arriver à une affirmation à l’intérieur de mon travail qui référait directement à la géographie de mon pays et en quelque sorte à son histoire. Les meilleurs tableaux ont été faits à Percé, face à la mer en Gaspésie à l’été 64. »
1965-1970
« À cette époque-là, en 65, il y avait la guerre d’Algérie en France à laquelle nous étions extrêmement sensibilisés. Il y avait les relents de la guerre du Vietnam qui impliquait toute l’Amérique du Nord, le Canada y compris. Comme je ne pouvais pas me débarrasser de ces questions, j’ai décidé de les intégrer dans mon travail. A commencé une nouvelle suite de travaux qu’on a appelé les travaux technologiques. L’Homme est réduit à un stéréotype dans ces tableaux-là. c’est l’Homme qui n’est pas tellement violenté physiquement comme il est soumis à cette oppression socio-bureaucratique, d’expérimentation scientifique sans but précis. L’Homme cerné, piégé en quelque sorte par la civilisation technologique dont il est inventeur. »
1968-1970
«Dans ces années, se sont affirmées des préoccupations nouvelles : faire un travail qui puisse passer outre au pré-requis culturel des œuvres d’art de ce siècle, exigé du spectateur. Essayer d’atteindre les milieux, les pools de la population qui ne faisaient pas partie de l’élite cultivée que l’on peut voir dans les musées et dans les galeries. Par la poly-sensibilisation, essayer d’entourer le spectateur. Ça a mené à l’Instroscafe, mais auparavant il y a eu quelques œuvres comme ça, des objets qui intégraient le son, des images, où il y avait le temps qui se déroulait. »
1970-1976
«[Ces personnages], sont des gens anonymes, des gens que je ne connais pas du tout et que j’ai photographié sans but précis lors de mes promenades à La Ronde. C’est que lors de mon retour à Paris, après quinze ans d’absence, je n’ai rien fait pendant deux ans. J’ai dropé. J’ai pris des centaines de diapositives pour faire finalement une espèce de portrait collectif anonyme […]. »
« Lorsque je suis revenu, il y a trois ans, sur la pointe des pieds, j’étais face à un pays à la fois familier et étranger. Ce n’est pas tous les jours qu’on émigre chez soi. […] En 1955, c’est le Canada que j’ai quitté. Lorsque je suis revenu, c’est au Québec que je reviens. C’est à Paris que j’ai commencé à comprendre ce que ça signifiait pour moi d’être québécois. »
– Extraits de l’article Un Drop-out made in Québec, interview par Gilles Toupin, La Presse, 9 oct., 1974.
1990
« Maintenant mes rapports avec le temps et l’espace se sont beaucoup précisés. C’est nettement devenu le sujet de mes tableaux alors que ça ne l’a pas toujours été. Mais y’a toujours eu l’obsession d’arrêter le temps de retenir une dimension pour pouvoir l’examiner plus tard et éventuellement la communiquer. »
2000
« C’est un état émotionnel. La peinture doit fournir des images à cet état-là. Doit utiliser les images de façon métaphysique, les images doivent devenir des symboles. Il ne faut jamais s’arrêter à al première interprétation qui nous vient à l’esprit.
Ce que j’essaye de peindre maintenant? J’explore un lexique imagiste qui remonte probablement au début de ma vie.
On surprend des obsessions, pourquoi cette image revient. On découvre un sens nouveau à une image qui nous paraissait familière.
Je pense qu’il y a des âges où l’on essaye d’explorer des nouveaux territoires. Aujourd’hui, ce qui m’intéresse, c’est de rester à l’intérieur d’une géographie qui a été celle de toute ma vie. »